ZAD et No TAV

Alors que le maillage tissé par l’aménagement du territoire se veut toujours plus dense, visant à rendre les lieux qu’il cible toujours plus capitalisables et contrôlables, il est des habitants qui lui opposent un non ferme et sans appel. Ainsi du bocage de Notre-Dame-des-Landes et de la vallée italienne de Susa qui luttent depuis des décennies contre des infrastructures à grande vitesse, aéroport international pour l’un, TGV Lyon-Turin pour l’autre. L’opiniâtreté de leur refus, autant que l’ampleur que ces luttes ont acquise, ont fait mentir toutes les prévisions du pouvoir. A tel point qu’elles redessinent aujourd’hui avec leur propre plume l’avenir de leurs territoires.
Au cœur des 2000 ha de la ZAD, s’ouvre une « zone de non droit » qui tend à se soustraite aux contrôles administratif, économique et policier, et où s’expérimentent des formes de vie proches de ce que pourrait être une commune ou une zone autonome. Les autorités ne dictent plus leurs Plans d’aménagement et habiter y prend par là-même des formes tout autres, celles-ci évoluant au gré des besoins ou des envies, s’extirpant peu à peu de l’architecture pacificatrice des villes comme de la rentabilité touristique ou agricole des campagnes.
Dans la vallée alpine de Susa résonne un mouvement qui ne souffre aucune négociation : « No TAV ». Ses drapeaux flottent dans chaque village, il réunit à ses heures des dizaines de milliers de manifestants tout en assumant des attaques répétées d’un chantier ou le sabotage des machines qui tentent de défigurer la vallée. On y parle sans flagornerie d’un peuple, peuple en révolte qui prend tour à tour la figure du barbier de Bussoleno, d’un antagoniste de Turin, du poissonnier de Villardora ou d’une grand mère catholique de Condove.
La ZAD et le mouvement No TAV incarnent, chacun avec son propre style, des manières inédites de tenir inséparées la vie et la lutte, qui ont bouleversé la pensée et l’agir politique de leurs pays respectifs. En France, depuis 2012, d’autres projets d’aménagement ont trouvé face à eux une détermination dont la lutte de Notre-Dame-des-Landes avait donné l’élan. En Italie, le « mouvement du No » se répand jusqu’en Sicile : le No MUOS contre les antennes militaires, le No PONTE à Messine, et d’autres No TAV au Terzo Valico ou dans le Trentin.
L’expérience doit circuler simultanément aux slogans et à l’enthousiasme, pour donner chair aux velléités de résistance.