Le Parc des Grands Causses arnaque au carbone

Le Parc des Grands Causses arnaque au carbone

Lettre ouverte à Florent Tarisse son directeur,

Monsieur,

Votre petit spectacle, le mercredi 30 janvier au caveau de Saint-Affrique, commençait pourtant bien. Vous annonciez qu’en 30 ans le climat du Sud-Aveyron avait pris +1° et que les 3 mois de sécheresse estivaux allaient se généraliser, quand dans un second volet, les causes des gaz à effet de serre étaient plus ou moins identifiées. Sur ce constat local gravissime puisque le « + 1,5 ° à ne pas dépasser d’ici 2100 » se trouve déjà invalidé, on aurait pu s’attendre à une réponse rationnelle et efficace. Mais la présentation qui a suivie relevait d’un domaine de la pensée que j’ai eu du mal à qualifier : irrationnel n’était pas assez fort, obscurantiste convenait pour son côté religieux, mais aucun des deux ne me satisfaisait. À Belmont le 7 février pour la réunion finale de ce Plan Climat Air Energie Territorial, je me suis rendu compte que cette transition énergétique que vous défendez est tout simplement qualifiable d’escroquerie intellectuelle, mais une escroquerie « légale » m’a glissé un de vos employés puisqu’elle a son Décret n°2017-725 du 3 mai 2017 – art. 1. J’y reviendrai.

1. Comment (ne pas) éteindre un feu

Le PCAET revêt tout d’abord un énorme problème de logique. Tarisse admet sans difficulté que le réchauffement climatique est un immense incendie alimenté mondialement. Or que fait-il face à cet incendie ? Il réalise un bilan des émissions de Gaz à Effet de Serre sur le territoire du Parc et il cherche à l’équilibrer ! Pour bien comprendre, une métaphore s’impose, histoire de mettre à distance la propagande dans laquelle nous baignons. Devant un feu de cheminée, imaginons deux pompiers, le premier a pour fonction de jeter dans le brasier autant de seaux d’eau que de bûches, le second a en main un cahier sur lequel il fait des croix dans les colonnes EAU et BÛCHE. Dans la logique technocratique de la transition, c’est comme ça qu’on prétend éteindre un feu. On continue à émettre des gaz nocifs puisqu’on entend ne rien changer à l’expansion capitaliste tout en prétendant créer des activités non émettrices de co2. On en fait ensuite la balance dans une logique bien comptable.

2. Noyer le poison

Tout l’art de Tarisse va consister à masquer les causes des émissions en procédant par l’exposé de pistes qui visent à créer de l’enthousiasme. Il va chercher dans l’agroécologie, les circuits courts ou l’autopartage une « cinquantaine d’anecdotes pour faire une belle histoire ». Le Parc a fait dessiner un banc en châtaigner local libre de droits pour tous les menuisiers… Le Parc réfléchit à comment acheminer des œufs ou des légumes depuis les fermes jusqu’aux cantines… Quand le capitalisme a fini par vider et industrialiser nos campagnes avec l’aide de générations de technocrates, il faut bien que la nouvelle prétende remettre la vie locale en place ! Pendant ce temps-là, on ne s’appesantit pas trop sur les projets industriels en cours.

3. Arnaque au carbone

Arnaque n°1 : il n’existe pas d’activité industrielle non émettrice de CO2. Une éolienne, un mégatransfo, un méthaniseur ou un parc photovoltaïque ont dès avant leur fabrication, dans la phase d’extraction des minerais nécessaires provoqué entre autres pollutions, une dépense de CO2 énorme. Il n’y a pas plus climaticide que l’industrie minière. C’est à ce moment-là de l’argumentation qu’un employé du Parc sort son joker : le décret du 3 mai 2017. Selon son interprétation (qu’il faudrait discuter), ce décret stipule que les émissions de GES liées à la construction des infrastructures sont prises en compte sur le territoire où elles sont produites. Comme il n’y a pas d’industries minières et métallurgiques en Sud Aveyron, le technocrate devient magicien, la machine foncièrement polluante devient sur notre territoire créditrice de carbone.

Arnaque numéro 2 : prétendre à la fois stocker du carbone dans les sols agricoles et transformer cette même matière organique en méthane (CH4). Tarisse qui n’y connaît rien se déresponsabilise d’emblée, c’est le bureau Solagro qui a réalisé l’étude. Stocker du carbone dans les sols agricoles n’est pas une évidence. Localement, ceux qui ont des pratiques qui vont dans ce sens sont bien minoritaires. Pour pouvoir y arriver, il faut cumuler de l’agroforesterie (50 arbres/hectare) avec du semis direct et une logique très poussée de doubles cultures et d’association (voir Agriculture, agroforesterie et transition énergétique de l’AFAF). En Sud Aveyron, avec la généralisation des étés sans pluie cette manière de faire du couvert permanent à plusieurs étages va demander beaucoup d’attention et de maîtrise. Prétendre à la fois stocker du carbone dans les sols en restituant aux champs la matière organique par mulchage et en l’exportant dans des méthaniseurs (un pour 20 fermes dans ce PCAET) est tout simplement impossible. Depuis le méthaniseur, une fois le carbone exporté en méthane, on ne ramène sur les fermes qu’un substrat composé d’éléments solubles. L’exact opposé des pratiques agroécologiques. Dans un document publié en mai 2018, Nos terres valent plus que du carbone, le CCFD Terre solidaire note en outre que la séquestration du carbone dans les sols en plus d’être complexe et largement surévaluée, ne peut en aucun casgarantir sa non-réversibilité.

Pour continuer à filer la métaphore, ces deux arnaquesrévèlent qu’une grande partie des seaux d’eaude nos pompiers technocrates n’existent tout simplement pas.

4. Des grands pas pour sauver les pollueurs

Dés l’introduction Tarisse précise qu’on ne peut pas s’en prendre aux émissions du système agroalimentaire. Mais c’est à la fin de l’exposé qu’il sort le clou du spectacle : « Roquefort : première AOP à énergie positive ». La finalité de tout ce plan réside bien dans cette seule idée : sauver les pollueurs, les métamorphoser en héros vertueux. Lactalis aura des panneaux photovoltaïques sur ses toits et ses camions fonctionneront à l’hydrogène. Pour implanter des centaines de mâts éoliens ou de méthaniseurs, Sévigné et compagnie auront des chantiers colossaux de bétonisation pour que l’Aveyron soit un « territoire solidaire et contributeur » ! Mais derrière cette novlangue délirante, c’est le saccage de la planète qui s’accélère et qui rentre dans sa phase finale !

5. Perspectives

La première des perspectives commence par clouer le bec aux propagandistes, à ceux dont le taf est de continuer à rendre possible un productivisme sans limites. Quand le mouvement jaune tient son « Macron démission » depuis trois mois, il se pourrait bien qu’il se pique dans une suite somme toute logique d’aller fouiner jusque dans les administrations qui mènent sur les territoires la politique macroniste d’écologie industrielle. Il se pourrait bien qu’un « destituons le parc » apparaisse bientôt sur les murs du Sud-Aveyron. Alors un petit conseil Tarisse, toi à qui Fauconnier a offert un salaire de 10 000 euros par mois pour retenir ton immense talent, tu ferais mieux désormais d’aller le vendre ailleurs, histoire de faire oublier ta sale fonction.

Du reste, organisons-nous pour éteindre ce feu, organisons-nous pour faire de ce territoire un endroit vivant. Maintenant !

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