Notes et réflexions sur l’état de la lutte
Une histoire de dix ans
Depuis une décennie en Aveyron, chaque projet éolien est contesté par des associations de riverains qui intentent des recours juridiques à son encontre. De la même manière, le méga-transformateur de Saint-Victor trouve face à lui depuis cinq ans l’association Plateau Survolté, renforcée dans son combat par la récente élection d’une municipalité opposée au projet.
Car désormais, nous savons ici à quoi ressemble la vie sous les aérogénérateurs, nous avons entendu les témoignages des habitants du Lévézou ; nous savons également ce que ce sont ces machines, qui les produit et pourquoi1. Le méticuleux travail de recherche et d’information des opposants a infléchi l’opinion des Aveyronnais, dont la défiance, voire l’hostilité, progresse largement envers cette colonisation rampante. Les liens sont clairs aujourd’hui entre la multiplication des éoliennes industrielles et le projet de méga-transformateur à Saint-Victor, qu’accompagnent des transformateurs intermédiaires et des lignes THT. C’est l’image d’une véritable zone industrielle de l’électricité qui se dessine sur notre territoire (de l’Aveyron à l’est du Tarn et au nord de l’Hérault). Au milieu de cette zone, la commune de Saint-Victor-et-Melvieu subit déjà les nuisances d’un transformateur, celui du Planol, d’où partent 14 lignes à haute et très haute tension quadrillant la commune avec des conséquences dramatiques pour la santé des riverains.
Juste une cabane ?
C’est dans ce contexte que s’est bâtie l’Amassada, le 21 décembre 2014, sur le site prévu pour le méga-transformateur. Car c’est bien là le point névralgique de leur projet de saccage : sans lui, les éoliennes ne peuvent être raccordées aux flux internationaux, sans lui le réseau s’engorge et le marché de l’électricité s’enrhume. Cette cabane est devenue mouvement, un mouvement bigarré composé de membres de Plateau Survolté, de propriétaires des terrains impactés, d’opposants aux éoliennes industrielles, ainsi que d’habitants de Saint-Victor, du Sud-Aveyron et d’ailleurs, tous soucieux de l’avenir de ce territoire. Nous nous sommes rassemblés pour porter le fer directement contre ce projet de zone industrielle de l’électricité, en scandant toujours : « Ni ici, ni ailleurs ». Amassada signifie en occitan « assemblée », car nous nous organisons horizontalement, sans délégation de pouvoir à un bureau ou une direction, nous nous retrouvons, nous débattons et nous prenons des décisions que nous assumons collectivement. Nous avons choisi cette forme car elle privilégie l’ouverture, le débat et la rencontre tout autant que la fluidité et l’efficacité dans l’action. Et de fait, en huit mois, cette cabane a été un lieu de débat permanent, un outil merveilleux d’organisation, porteur d’une forte dynamique pour la lutte : assemblées, concerts, rencontre avec les opposants de Notre-Dame-des-Landes, bals traditionnels, manifestation à Saint-Affrique, soirées d’information dans toute la région… Cette débauche d’énergie a rempli une première nécessité fondamentale : rendre la lutte localement incontournable, faire en sorte que cette zone industrielle de l’électricité devienne un débat central dès lors qu’il s’agit de penser l’avenir de notre territoire.
Résister pied à pied
Ce débat doit être porté par les habitants, les décideurs ayant intentionnellement créé l’engorgement du réseau : les permis de construire de nouveaux aérogénérateurs ont été accordés en sachant très bien que ces machines ne pourraient être raccordées sans construire cet énorme transformateur, sans faire cadeau de millions d’euros aux promoteurs éoliens en investissant l’argent public dans ces infrastructures sous couvert de « sécurisation du réseau ». Et désormais, l’on nous dit que tout cela est « indispensable »… Et nous savons que c’est exponentiel : une infrastructure entraîne la suivante, la ligne THT justifie le transformateur, qui permet les éoliennes, qui en se multipliant exigeront d’autres réseaux de transport électrique, etc. Il faut stopper l’emballement avant qu’il ne soit trop tard, avant que notre territoire ne soit plus qu’un gisement pour de cyniques financiers. À leur politique du fait accompli, nous opposons une résistance pied à pied. Car l’Amassada a vocation à entraver, perturber et harceler toutes les émanations de cette zone de l’électricité : chaque pylône, chaque mât, chaque transformateur… Nous sommes le territoire qui se défend.
En finir avec le vent de corruption
Nous trouvons face à nous, outre la mafia RTE, une certaine classe politique du Sud-Aveyron qui se démarque par son absence totale de scrupules dès lors qu’il s’agit de grappiller 30 deniers en vendant le territoire à un nouveau business. Alors que des hommes et des femmes politiques du nord du département prennent des positions de plus en plus radicales contre les éoliennes et le transformateur, le sud semble touché par un cynisme sans bornes. À longueur de discours, ils évoquent les merveilles de cette nouvelle « industrie écologique » que notre région incarnera, ils se gargarisent de ce merveilleux et nécessaire progrès que ces machines représentent, et toute honte bue, ils envisagent de faire de l’Aveyron une zone de production électrique, comme la vallée du Rhône est une zone d’industrie chimique. Pour engraisser les industriels au détriment de la population, ils ne reculent devant rien : interdiction arbitraire de manifester, pressions et calomnies en série, affaires montées de toutes pièces… Un déploiement de mauvaise foi, une agitation qui ne peut avoir d’autre sens que celui de dissimuler la logique à l’œuvre avec leurs énergies renouvelables : un saccage méticuleux du cadre de vie de tous pour des profits strictement personnels. Un exemple parmi d’autres à Mélagues : une conseillère municipale a été condamnée pour prise illégale d’intérêts car elle avait voté en faveur de projets qui lui rapportent la bagatelle de 46.000 euros par an. Et cela n’a rien d’un cas isolé.
Lorsque cette caste passe son temps entre juges et tribunaux, elle a beau jeu de nous désigner comme des voyous. Certes, nous passerons certainement nous aussi devant des tribunaux. Une plainte a en effet été déposée pour construction illicite contre la propriétaire des terrains de l’Amassada, dans des délais et avec un zèle dont l’administration française n’est pas coutumière. Mais devant la justice, nous dirons toujours : il n’y a rien de commun entre ceux qui prennent des risques pour défendre le territoire de tous et ceux qui se font condamner pour leurs profits personnels en profitant des passe-droits de leur position sociale. Les hobereaux du Sud-Aveyron se sont assez discrédités à travers leur promotion des énergies soi-disant renouvelables. Nous devons sans ambages affirmer que c’est désormais aux habitants de ce territoire de décider et d’imposer ce qu’ils veulent pour son avenir.
Les combats à venir
– Au lendemain de la fête du vent, nous aurons un nouveau patron de RTE face à nous : François Brottes, député PS de l’Isère, partisan farouche du développement incontrôlé des éoliennes industrielles, père de la loi qui a mis un coup d’arrêt aux ZDE (Zones de Développement de l’Éolien), attaquant tous les garde-fous et toutes les réglementations permettant de freiner ou d’encadrer les implantations. C’est un directeur de combat dont s’est doté RTE dans sa course en avant pour le développement des énergies renouvelables et des lignes de transfert internationales.
– À Paris, du 30 novembre au 11 décembre, aura lieu la COP 21, conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, lors de laquelle tous les dirigeants mondiaux feindront de s’intéresser à l’environnement pour mieux débusquer les bulles spéculatives et les niches financières que peut générer leur écologie de façade. Leur petit théâtre sera l’occasion d’un débat – bien réel celui-ci – sur les meilleurs moyens de détourner les fonds publics au profit de multinationales repeintes en vert pour l’occasion. À n’en point douter, Total, Areva, Suez et consorts attendent impatiemment leurs cadeaux de Noël. Les éoliennes industrielles seront les VIP de cette sauterie internationale. L’Amassada participera donc au mouvement d’opposition à ce sommet, occasion pour nous de mobiliser de nouvelles personnes en vue de la prochaine étape d’importance de la lutte…
– Cette étape est l’enquête préalable à la Déclaration d’Utilité Publique. Elle est annoncée entre décembre de cette année et le début de l’année 2016. Nous en connaîtrons la date exacte quinze jours avant son commencement. Nous n’avons aucune illusion quant à l’issue de cette enquête, quelles que soient les observations apportées par les habitants, quel que soit l’avis du commissaire enquêteur, le préfet accordera la Déclaration d’Utilité Publique. D’ailleurs RTE a déjà annoncé son obtention… En réponse à ce simulacre, l’Amassada appelle à exprimer notre refus du transformateur lors d’une semaine de résistance qui aura lieu dès le début de l’enquête. Les modalités d’action se choisiront en assemblée selon les nécessités du moment, mais nous appelons toutes et tous à se tenir prêts à rejoindre la lutte à ce moment-là.
– Enfin, nous aurons également à répondre aux plaintes de la Préfecture contre la propriétaire des terrains pour « construction abusive » de l’Amassada. Nous nous emploierons à déployer une stratégie de défense juridique des terrains impliquant le plus de personnes possible. En effet, l’obtention de la DUP leur permettrait de lancer immédiatement les procédures d’expropriation. Les recours juridiques qui seront opposés à cette DUP n’étant pas suspensifs, c’est à nous tous qu’il incombera d’imposer le gel des expropriations.
1Voir à ce propos la brochure de l’Amassada « plaidoyer contre les éoliennes industrielles ».
P.S : La version mise en page ne saurait tarder