Ce dimanche 29 août, nous, personnes, peuples et collectifs en lutte de l’isthme de Tehuantepec (Oaxaca, México), de l’État espagnol, de Euskal Herria, du Royaume Uni, d’Italie, de Pologne, d’Allemagne et de France, nous sommes réuni.e.s pendant l’assemblée de la Fête du vent à l’Amassada.
Depuis nos territoire en lutte, nous avons dressé un diagnostic commun sur l’ordre électrique et ses implications mondiales. Le voici résumé en 7 points :
1. L’ordre électrique homogénéise le monde : il réduit toute chose à une quantité de kWh. Tout y devient marchandise, nos territoires et nos vies sont transformés en sources de profit économique. De cela découle un désenchantement du monde : nous sommes vidé.e.s de nos sensibilités, nos liens au monde son appauvris, les singularités propres à chaque peuple sont aplanies, leurs identités détruites.
2. L’ordre électrique est consubstantiel de la modernité coloniale et de l’ordre patriarcal. La science propre à l’homme blanc qui a construit ce monde et qui le domine encore aujourd’hui porte atteinte à la vie, car elle est construite sur une opération conceptuelle de mise à distance de la nature, ainsi que d’accaparement des corps et des territoires. (Il ne faut pas associer l’homme blanc qu’à une identité de genre : mais bien comme une institution de la domination patriarcale et coloniale, un processus historique de domination.) Les infrastructures énergétiques et les mégaprojets dirigés par des hommes impactent particulièrement les femmes et minorités de genre, qui sont les premières touchées par la pauvreté énergétique.
3.- Quelle que soit la source d’énergie utilisée (combustibles fossiles, énergie nucléaire ou renouvelable), le modèle énergétique hégémonique est fondamentalement extractiviste: il repose non seulement sur l’utilisation des énergies fossiles, mais aussi sur des pratiques coloniales qui touchent les populations et en particulier celles qui sont les plus affectées par le capitalisme globalisé. L’ordre électrique bafoue le droit fondamental de chacun.e à y accéder et engendre de la pauvreté énergétique. À cause de cette injustice, une décroissance est inimaginable sans une réelle redistribution de l’énergie qui est un bien commun.
4. Colonialisme énergétique et territoires sacrifiés. L’ordre énergétique global aménage et organise les territoires de manière coloniale donc hiérarchique et violente. Il peut prendre différentes formes au niveau international, européen ou même national privant les peuples de leurs ressources et de leurs territoires. Cela affecte le plus les territoires du sud global, les zones rurales riches en biodiversité, terres communales et périphéries des villes. Les multinationales de l’énergie sacrifient des terres indigènes communales pour la production énergétique mondiale. L’Europe spécialise les pays selon leurs potentiels de production énergétique. L’État français et ses institutions assujettissent les territoires ruraux et les périphéries des villes. Nous pouvons directement en témoigner de par nos luttes, au Mexique dans l’isthme de Tehuantepec contre EdF, Iberdrola, Acciona et leurs milliers d’éoliennes industrielles, en Espagne contre l’implantation massive de parcs photovoltaïques et éoliens, en Aveyron contre RTE et l’éolien industriel.
5. L’ordre électrique est imposé de manière autoritaire par les élites globales avec parfois des mascarades de consultations citoyennes. Du moment que l’on est connecté à des réseaux électriques nationaux ou transnationaux, nous renonçons à notre droit de décider par nous-même de nos besoins et de nos moyens de production d’énergie et nous ne pouvons envisager de construire notre autonomie énergétique. L’énergie nucléaire particulièrement destructrice pour les générations actuelles et futures en est un exemple typique totalement incompatible avec toute forme d’autonomie.
6. Le système énergétique colonial et ses acteurs pour perdurer verdissent leur image en toute hypocrisie. Ladite transition énergétique est en fait une transaction qui ne fait qu’ajouter de nouvelles sources de production au mix actuel. Elles ne servent qu’à maintenir l’illusion d’un impossible capitalisme vert basé sur une augmentation sans fin de la consommation qui ne prétend ni ne peut remplacer le modèle dominant. De ce fait ces nouvelles sources d’énergie ne peuvent pas non plus répondre à l’urgence climatique.
7. Un modèle énergétique souhaitable doit se baser sur l’autosuffisance et l’autodétermination des peuples et des territoires et sur des relations durables et solidaires.
Partant de ce constat commun, nous qui partageons cette vision de l’ordre électrique, dans toute notre diversité de modes d’actions, de contextes politico-sociaux et de territoires. Nous revendiquons le droit inaliénable de nous opposer à cet ordre et son colonialisme énergétique et de construire et maintenir nos propres formes de vie et d’autonomie.
Nous décidons donc d’envoyer ce communiqué par-delà les frontières à tous les peuples, personnes et collectifs du monde qui se reconnaissent dans ce constat pour que nous reliions nos luttes.
Ceci est une invitation à nous organiser, nous mobiliser pour attaquer l’ordre électrique, nous retrouver pour construire l’autonomie partout où nous sommes et sous toutes ses formes !